L’héritage
Les dynamiques
historiques
de l’action sociale,
d’hier à aujourd’hui
L’action sociale des différents régimes de retraite et groupes de protection sociale n’a eu ni la même genèse ni les mêmes modes de professionnalisation. En conséquence, dresser un portrait unique, précis et lisible de l’action sociale est sans doute impossible, tant son périmètre est variable, et sa transformation profonde au fil du temps, des évolutions sociales et sociétales. Paradoxalement, ses mutations se sont trouvées valorisantes pour la profession, avec l’extension des missions d’accompagnement des publics visés et le développement de projets ambitieux entre autres. Ce même élargissement des publics, de leur accompagnement et des offres pour répondre aux nouveaux besoins a pourtant conduit les critiques les plus contemporaines à remettre en cause l’accessibilité, l’efficience, les coûts de gestion de l’action sociale.
I – L’action sociale, un vaste océan,
toujours en mouvement
Facultative et extralégale, et par conséquent relativement floue, l’action sociale va prendre peu à peu des formes très diversifiées allant d’aides collectives (groupes de parole, maisons de retraite, hébergements en foyers, etc.) à différents types d’aides individuelles (aide-ménagère, aides pour le chauffage, la santé, les vacances, les équipements ménagers, l’amélioration de l’habitat, prêts financiers, etc.).
Son périmètre d’action évolue au rythme des besoins nouveaux, de l’évolution des risques sociaux et sociétaux, qui impliquent des réflexions et des adaptations continuelles.
Pour résumer et dessiner ses principaux contours, nous pourrions la définir par un triple enjeu : aider les salariés et les retraités en rupture, anticiper et prévenir les conséquences du vieillissement, et, accompagner les salariés, les retraités et leur famille, principalement dans leurs moments de fragilité.
L’action sociale, polymorphe et plurielle ?
L’action sociale des groupes paritaires de protection sociale (GPS), née sous l’impulsion de l’action sociale retraite complémentaire, agit comme un incubateur social. Elle apporte également un appui en termes d’accompagnement et, de financement, dans la création et la mise en œuvre de projets ou actions à visée sociétale. C’est à la fois un outil sociétal nécessaire et un formidable laboratoire d’idées et de pratiques en faveur de l’amélioration de la santé, de l’accompagnement du handicap et du grand âge, et de la création de valeur par l’emploi. L’action sociale incarne l’engagement sociétal et la volonté de contribuer aux grands chantiers sociétaux des prochaines années, au bénéfice des clients.
L’apparition de deux fonds sociaux au sein de certains GPS – l’un financé par l’assurance de personnes pour accompagner la santé en entreprise, le handicap et la précarité dans la mutation des usages et l’innovation, et l’autre par la retraite, pour accompagner les « aidants », le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée, la prévention du vieillissement et la perte d’autonomie – est parmi les évolutions contemporaines, celle qui bouleverse le plus les organisations. Cette séparation progressive transforme peu à peu les métiers de l’action sociale.
Doit-on encore parler
d’action sociale ?
Ces nouveaux noms qui semblent davantage en phase avec leur temps, interrogent sur la compréhension de la notion « d’action sociale » auprès des publics visés et son adéquation avec leurs attentes et leurs besoins.
II – Retours aux origines du
monde de l’action sociale
L’histoire de l’action sociale des régimes de retraite complémentaire ne démarre pas de façon mécanique avec la création de l’Agirc en mars 1947. Il faut attendre les années 60 pour que soient mises en place des aides concrètes.
Quelques dates clés
Remonter le temps : l’évolution historique
Les années 60
Une contribution à la protection des personnes en situation de fragilité avec des aides individuelles et ponctuelles et la naissance du tourisme social
Entrée dans un processus de fabrication des prestations sociales
À partir des années soixante l’aide sociale légale tend à se formaliser. Les différentes caisses disposent dans le même temps, à mesure qu’augmentent la masse et le montant des cotisations, de marges de manœuvre qui leur permettent de contribuer à la protection des personnes en situation de fragilité. Elles rentrent dans un processus de fabrication de prestations sociales, selon des mécanismes et des règles propres à chacune d’entre elles.
Les années 70
Une redéfinition des enjeux de l’intervention auprès des personnes âgées et handicapées.
Vieillesse : changement de paradigme
Dans le prolongement de la montée en puissance des retraites, les années soixante-dix sont marquées par la transformation de la problématisation de la vieillesse. Il s’agit de définir un nouveau mode de gestion de la vieillesse – symbolisé par l’énonciation « d’une politique de la vieillesse » – supposant notamment une approche plus préventive. Aussi l’affichage d’orientations ambitieuses : maintien dans un milieu de vie, et plus particulièrement à domicile, et insertion sociale des personnes âgées, ou en situation de handicap, entre autres, va-t-il ouvrir de nouveaux champs d’intervention sociale, relativement larges et qui nécessitaient des moyens importants.
Le début d’une dynamique inclusive dans l’accompagnement du handicap
Parallèlement, les institutions de retraite complémentaire contribuent à la création du Comité de coordination Action Handicap (CCAH). Le CCAH accompagne les porteurs de projets du secteur handicap dans l’objectif d’améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées et favoriser le « vivre ensemble ».
Les années 80
Un début d’extension du niveau d’intervention et de coordination avec le régime général
Une extension du niveau d’intervention auprès des personnes âgées dépendantes
À partir des années quatre-vingt, la question de la dépendance des personnes âgées s’est imposée comme un enjeu essentiel. La plupart des études ont pointé le développement des situations de perte d’autonomie à mesure qu’augmentent le nombre de retraités et l’espérance de vie. Ainsi est instituée la coordination avec le régime général pour l’aide-ménagère.
Après avoir été dotée, au cours des années soixante et soixante-dix, d’objectifs sociaux ambitieux, la politique de la vieillesse se tourne désormais vers des populations jugées « prioritaires », médicalement et physiologiquement notamment. L’extension du niveau d’intervention – globalité des plans d’aide – va de pair avec une réduction de son public.
Les années 90
La prise en compte de l’évolution des risques de rupture sociale
Création des espaces emplois avec l’apparition du chômage des cadres
L’apparition du chômage de masse qui n’épargne plus les cadres, l’exclusion, le vieillissement démographique… engendrent des besoins nouveaux impliquant des adaptations de l’action sociale. C’est dans ce cadre que sont créés les espaces emplois, une initiative destinée à l’accompagnement des cadres en recherche d’emploi. Les prestations ont ainsi gagné en extension tant sur le plan de l’offre proposée que des publics visés.
Les années 2000-2010
L’affirmation d’une approche plus « globale » des besoins dans le cadre de traitements personnalisés pour arriver aux premières orientations communes entre Agirc et Arrco à la fin de la décennie
Le développement des actions collectives, au détriment des actions individuelles, pour « toucher » un public plus large
Les années 2000 marque un tournant majeur avec le renforcement des actions collectives. Les aides financières s’adressent aux personnes rencontrant des difficultés de vie passagères. Elles constituent des outils nécessaires d’intervention ponctuelle qui peuvent permettre de débloquer une situation matérielle délicate et encourager un parcours d’insertion. Mais aujourd’hui, l’action sociale se concentre davantage vers des groupes. Les arguments sont rationnels : les actions collectives permettent de toucher un public plus large et ont un meilleur rapport coût/avantage.
Mise en place d’un dispositif à la fois préventif et de prise en charge de la perte d’autonomie, qui englobe autant l’aide aux aidés qu’aux aidants
Les actions retenues visent à promouvoir une politique d’accompagnement du vieillissement qui englobe, en amont, une valorisation de la démarche de prévention, et en aval, la prise en charge de la perte d’autonomie tant pour l’aidé que pour l’aidant familial en favorisant pour ce dernier les solutions de répit.
L’action sociale s’efforce de ne plus s’engager dans une seule visée « réparatrice » mais aussi préventive et promotionnelle. L’action sociale est ainsi passée d’une logique de soutien passager à des actifs et retraités rencontrant des difficultés circonstanciées à un soutien durable à un ensemble plus large de ressortissants.
La création et le développement des centres de prévention Agirc-Arrco s’inscrit dans cette nouvelle lignée préventive de l’action sociale. Progressivement présents dans toute la France, ils offrent aux ressortissants et à leurs conjoints, la possibilité de faire un bilan préventif personnalisé. Ce bilan est réalisé par une équipe pluridisciplinaire et aborde à la fois les aspects médicaux, psychologiques et sociaux.
Sont également introduites des « démarches qualité » consistant à élaborer en fonction des cas des plans d’action appropriés ne se limitant pas à des aides individuelles.
Le travail en réseau : une collaboration nécessaire pour favoriser la cohérence et l’efficacité des actions
Pour donner à ces actions l’efficacité recherchée, l’accent est mis sur la nécessité pour les institutions, chaque fois que cela s’avère profitable à toutes, de promouvoir des formes de collaboration et notamment le travail en réseau qui favorisent les effets de taille et la cohérence des actions menées.
En chiffres
L’action sociale Agirc-Arrco en 2018
millions d'euros
de ressources totale de l’action sociale.
343,1 millions d’euros de dotations d’action sociale. 445,2 millions de dépenses totales
millions de personnes
accompagnées par l’action sociale
places d'accueil
pour personnes âgées ou handicapées en gestion maîtrisée au sein du parc Agirc-Arrco
accompagnements
réalisés dans les 13 Espaces Emploi Agirc-Arrco
établissements
pour personnes âgées ou handicapées en gestion maîtrisée Agirc-ArrcoAgirc-Arrco
parcours de prévention
autorisés dans les 14 centres de prévention Bien vieillir Agirc-Arrco
Ce qu’il faut retenir
Une capacité d’innovation sociale, de recherche et développement : l’action sociale de l’Agric-Arrco à l’avant-garde ?
L’action sociale Agirc a effectivement tendu, dès son origine, à initier, maintenir et développer les actions qualitatives d’accompagnement consistant à élaborer en fonction des cas des plans d’action appropriés, dans toutes leurs dimensions, et à créer les conditions d’un essaimage des bonnes pratiques.
Une aptitude à se renouveler
La définition de nouvelles orientations prioritaires pour l’action sociale Agirc et Arrco constitue un engagement significatif des régimes de retraite complémentaire pour répondre aux évolutions de la société et aux besoins sociaux émergents.
Réaffirmation du positionnement de l’action sociale Agirc-Arrco :
• Complémentarité, pour renforcer les actions engagées ou répondre à d’autres attentes
• Innovation, pour satisfaire de nouveaux besoins
• Exemplarité, pour que d’autres acteurs publics ou privés prennent le relais
Une évolution vers une approche globale de la personne
Nous mettons en œuvre une approche globale de la personne, qui appréhende aussi bien sa santé que son état psychologique, ses liens sociaux et familiaux.
Une double extension : de l’offre proposée et des publics visés
De la « réparation » à la prévention : une démarche à 360°
De l’individuel au collectif : une massification des actions
Vers une action sociale plus accessible et plus efficiente
Pionnier sur ces positionnements, l’Agirc-Arrco approfondit aujourd’hui dans sa nouvelle feuille de route pour la période 2019-2022, les quatre priorités engagées entre 2014 et 2018 :
• Agir pour bien vieillir
• Soutenir et accompagner les proches aidants
• Accompagner l’avancée en âge et la perte d’autonomie
• Soutenir le retour à l’emploi des actifs les plus fragiles
Ce qu’ils en pensent
Les GPS : un gigantesque laboratoire de recherche et développement sociétal, depuis 70 ans
La gestion paritaire est et, a été un modèle vertueux de confrontation et de compromis. La co-construction est le sens de l’histoire.
Une connaissance et une expérience unique sur lesquelles capitaliser
L’évolution historique de l’action sociale témoigne d’une connaissance, d’une expérience et d’une grande capacité d’adaptation.
Dans les années 1950, les GPS misait sur les actions individuelles ; en 1970 déjà, sur les actions collectives ; en 1990, ils venaient en appui sur les organisations, en soutien des initiateurs et en accompagnement de la décentralisation, dans une logique de co-financement. Il existe un savoir-faire de terrain remarquable, mais pas assez de capitalisation sur cette expérience.
Le RAMEAU a pour vocation d’éclairer les décideurs sur la dynamique de co-construction, et d’aider les organisations à se saisir de l’opportunité de ces nouvelles alliances.
Créé en 2006 sous statut associatif d’intérêt général, ce laboratoire de recherche appliquée est radicalement innovant par l’atypicité de sa démarche qui part de la réalité de terrain pour comprendre et modéliser les mouvements émergents.
Le nécessaire développement de l’investissement social
Dès les années 2010, il y a eu une prise de conscience pour s’orienter vers l’investissement social. Sur le volet financier, il me semble nécessaire de passer de la subvention à l’investissement. C’est un changement de cap. Il faut également développer de nouvelles alliances : les GPS peuvent jouer un rôle d’assembleur en tant que tiers de confiance, dans le montage de projets ambitieux qui font intervenir de multiples acteurs privés, financiers, publics et parapublics.
Au cœur des débats
L’action sociale vue de la cour des comptes
Ce que critique la cour des comptes
Questionnement sur la cohérence et la vision globale
C’est le principal reproche de ce rapport. L’action sociale de l’Agirc-Arrco et des caisses ne répondrait pas à un « plan d’ensemble » selon les auteurs.
L’action sociale s’est élargie, au fil du temps, au-delà de la population des retraités vers les actifs, au risque, selon la Cour des Comptes, « de la dispersion et sans réel contrôle ». Très critique envers cette stratégie d’élargissement, les sages de la rue Cambon prônent un recentrage sur les retraités. Objectif : éviter le risque de dilution lié à la multitude des interventions et laisser d’autres acteurs agir auprès des autres populations. Elle pointe notamment du doigt les « résultats modestes » des Espaces emploi Agirc-Arrco « dans un champs où agissent déjà Pôle emploi et l’Association pour l’emploi des cadres (Apec).
Une démarche globale d’évaluation de l’action sociale à mettre en place
Ils regrettent en outre l’insuffisance d’une démarche globale d’évaluation de l’action sociale, ainsi que le manque de coordination avec les autres acteurs sociaux que sont les départements, les caisses d’allocations familiales et les autres régimes de retraite.
Historiquement tournée vers les retraités, l’action sociale de l’AGIRC-ARRCO s’est progressivement ouverte à d’autres publics, avec le risque d’une dilution, en particulier dans le champ très vaste de l’aide aux plus démunis, dans un contexte marqué par un faible encadrement de la fédération AGIRC-ARRCO et par une absence de dialogue avec l’État.
Ce que répondent les partenaires sociaux, les gestionnaires de caisses
La capacité d’adaptation aux besoins de la société qui a évoluée
Dans une réponse commune, les partenaires sociaux, gestionnaires des caisses défendent leur méthode. La Cour leur reproche un élargissement insuffisamment ciblé de leur action ? Ils y voient plutôt la preuve de leur capacité d’adaptation aux besoins de la société qui a évolué. Ils soulignent notamment que 38 % des demandeurs d’emploi vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, contre 7 % des retraités. Aider les actifs fait également partie intégrante de la mission du régime qui s’adresse autant aux salariés qu’aux retraités.
Le choix d’une relation directe
Ils justifient par ailleurs certains coûts de gestion par leur choix « d’une relation directe avec les ressortissants » de l’Agirc-Arrco, qui conduit à prendre en charge – en interne – une grande partie de l’évaluation de la situation des demandeurs d’aide individuelle, sans sous-traiter.
Et ailleurs
En matière de prévention, l’Assurance retraite travaille aujourd’hui dans une approche interrégimes et interbranches. Elle agit ainsi de concert avec les autres régimes de retraite (MSA, CNRACL, AgircArrco) et l’Assurance maladie, mais aussi avec de nombreux partenaires extérieurs : Santé publique France, Anah (Agence nationale de l’habitat), CNSA, collectivités, Unccas (Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale), ANCV (Agence nationale pour les chèques-vacances), fédération des centres sociaux, secteur de l’aide à domicile… Une façon d’apporter des réponses globales et coordonnées aux besoins des retraités.
l’étude complète